mercredi 31 mars 2021

Jean de La Fontaine Fable L'Araignée et l'Hirondelle

Jean de La Fontaine 

Fable 





 L'Araignée et l'Hirondelle

Ô Jupiter, qui sus de ton cerveau,
Par un secret d’accouchement nouveau,
Tirer Pallas  , jadis mon ennemie,
Entends ma plainte une fois en ta vie.
Progné  me vient enlever les morceaux
Caracolant, frisant l’air et les eaux
Elle me prend mes mouches à ma porte
Miennes je puis les dire ; et mon réseau
En serait plein sans ce maudit Oiseau ;
Je l’ai tissu  de matière assez forte.
      Ainsi, d’un discours insolent,
Se plaignait l’Araignée autrefois tapissière,
      Et qui, lors étant filandière,
Prétendait enlacer tout insecte volant.
La sœur de Philomèle , attentive à sa proie,
Malgré le bestion  happait mouches dans l’air,
Pour ses petits, pour elle, impitoyable joie,
Que ses enfants gloutons, d’un bec toujours ouvert,
D’un ton demi-formé, bégayante couvée,
Demandaient par des cris encor mal entendus.
      La pauvre Aragne n’ayant plus
Que la tête et les pieds, artisans superflus,
      Se vit elle-même enlevée.
L’Hirondelle en passant emporta toile, et tout,
      Et l’animal pendant au bout,
Jupin pour chaque état  mit deux tables au monde.
L’adroit, le vigilant, et le fort sont assis
      À la première ; et les petits
      Mangent leur reste à la seconde.

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