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samedi 14 mai 2022

Fable de Jean de La Fontaine LE RAT ET L'HUÎTRE

 Fable de Jean de La Fontaine
LE RAT ET L'HUÎTRE



Un Rat hôte (1) d'un champ, Rat de peu de cervelle,
Des Lares (2) paternels un jour se trouva soû.(3)
Il laisse là le champ, le grain, et la javelle, (4)
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de la case,
Que le monde, dit-il, est grand et spacieux !
Voilà les Apennins, et voici le Caucase :
La moindre taupinée (5) était mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours le voyageur arrive
En un certain canton où Thétys (6) sur la rive
Avait laissé mainte Huître ; et notre Rat d'abord
Crut voir en les voyant des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père était un pauvre sire :
Il n'osait voyager, craintif au dernier point :
Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire :
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point.
D'un certain magister (7) le Rat tenait ces choses,
Et les disait à travers champs ;
N'étant pas de ces Rats qui les livres rongeants
Se font savants jusques aux dents.
Parmi tant d'Huîtres toutes closes,
Une s'était ouverte, et bâillant au soleil,
Par un doux zéphir réjouie,
Humait l'air, respirait, était épanouie,
Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, nompareil.
D'aussi loin que le Rat voir cette Huître qui bâille :
Qu'aperçois-je ? dit-il, c'est quelque victuaille ;
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus maître Rat plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs (8) ; car l'Huître tout d'un coup
Se referme, et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement.
Nous y voyons premièrement :
Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
Sont aux moindres objets frappés d'étonnement :
Et puis nous y pouvons apprendre,
Que tel est pris qui croyait prendre.

1) habitant
(2) Dieux de la maison
(3) se dit aussi de ce qui rassasie l'esprit (Dict. de Furetière)
(4) tas d'épis laissés sur le sol, qu'on laisse sécher avant d'en faire des bottes.
(5) butte de terrre laissée par les taupes ...
(6) reine de la mer
(7) maître d'école de village
(8) noeuds coulants pour prendre oiseaux, lièvres ou autres gibiers

Fable de Jean de La Fontaine LE RAT QUI S'EST RETIRE DU MONDE

 Fable de Jean de La Fontaine
LE RAT QUI S'EST RETIRE DU MONDE

Les Levantins (1) en leur légende
Disent qu'un certain Rat las des soins (2) d'ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S'étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau (3 ) subsistait là-dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font voeu d'être siens.
Un jour, au dévot personnage
Des députés du peuple Rat
S'en vinrent demander quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l'état indigent
De la République attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,
Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre Reclus
Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte,
Le nouveau Saint ferma sa porte.
Qui désignai-je, à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ? Non, mais un Dervis (4) :
Je suppose qu'un Moine est toujours charitable.
(1) Peuples de l'Orient
(2) soucis
(3) d'une nouvelle espèce
(4) religieux turc menant une vie de pauvreté et austère
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Christiane Bellina et Olier Thiodet

jeudi 12 mai 2022

FABLE DE JEAN DE LA FONTAINE LE RENARD ANGLAIS

 

Fable de Jean de La Fontaine 

LE RENARD ANGLAIS


(A Madame Harvey)

Le bon coeur est chez vous compagnon du bon sens,
Avec cent qualités trop longues à déduire (1),
Une noblesse d'âme, un talent pour conduire
            Et les affaires et les gens,
Une humeur franche et libre, et le don  d'être amie
Malgré Jupiter même et les temps orageux (2).
Tout cela méritait un éloge pompeux ;
Il en eût été moins selon votre génie :
La pompe vous déplaît, l'éloge vous ennuie.
J'ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux
            Y coudre encore un mot ou deux
            En faveur de votre patrie :
Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément (3) ;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament :
Creusant dans les sujets, et forts d'expériences,
Ils étendent partout l'empire des sciences.
Je ne dis point ceci  pour vous faire ma cour.
Vos gens à pénétrer l'emportent sur les autres :
            Même les chiens de leur séjour
            Ont meilleur nez que n'ont les nôtres (4).
Vos renards sont plus fins. Je m'en vais le prouver
            Par un d'eux qui, pour se sauver
            Mit en usage un stratagème
Non encore pratiqué, des mieux imaginés.
Le scélérat, réduit en un péril extrême,
Et presque mis à bout par ces Chiens au bon nez,
            Passa près d'un patibulaire(5).
            Là des animaux ravissants,
Blaireaux, Renards, Hiboux, race encline à mal faire,
Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants.
Leur confrère aux abois entre ces morts s'arrange.
Je crois voir Annibal qui pressé des Romains,
Met leurs chefs en défaut, ou leur donne le change,
Et sait en vieux renard s'échapper de leurs mains (6).
            Les clefs de meute (7), parvenues
A l'endroit où pour mort le traître se pendit,
Remplirent l'air de cris : leur Maître les rompit (8),
Bien que de leurs abois ils perçassent les nues.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant.
Mes chiens n'appellent (9) point au delà des colonnes (10)
            Où sont tant d'honnêtes personnes.
Il y viendra, le drôle! Il y vint, à son dam (11).
            Voilà maint Basset clabaudant (12),
Voilà notre Renard au charnier se guindant (13).
Maître pendu croyait qu'il en irait de même
Que le jour qu'il tendît de semblables panneaux (14):
Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux (15).
Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème.
Le Chasseur, pour trouver sa propre sûreté,
N'aurait pas cependant un tel tour inventé ;
Non point par peu d'esprit ; est-il quelqu'un qui nie
Que tout Anglais n'en ait bonne provision ?
            Mais le peu d'amour pour la vie (16)
            Leur nuit en mainte occasion.

            Je reviens à vous, non pour dire
            D'autres traits sur votre sujet
            Tout long éloge est un projet
            Trop abondant pour ma lyre.
            Peu de nos chants, peu de nos vers,
Par un encens flatteur amusent l'univers
Et se font écouter des nations étranges.
            Votre prince (17) vous dit un jour
            Qu'il aimait mieux un trait d'amour
            Que quatre pages de louanges.
Agréez seulement le don que je vous fais
            Des derniers efforts de ma Muse.
            C'est peu de chose ; elle est confuse
            De ces ouvrages imparfaits.
            Cependant ne pourriez-vous faire
            Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
            Tirés de l'île de Cythère?
Vous voyez par là que j'entends
Mazarin (18), des Amours déesse tutélaire.

lundi 9 mai 2022

Fable de Jean de La Fontaine LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPEE

 Fable de Jean de La Fontaine
LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPEE



Un vieux Renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de Poulets, grand preneur de Lapins,
Sentant son Renard d'une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
Par grand hasard en étant échappé,
Non pas franc (1), car pour gage il y laissa sa queue;
S'étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile (2)),
Un jour que les Renards tenaient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue ? Il faut qu'on se la coupe :
Si l'on me croit, chacun s'y résoudra.
Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe;
Mais tournez-vous, de grâce, et l'on vous répondra.

A ces mots il se fit une telle huée,
Que le pauvre Ecourté (3) ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu;
La mode en fut continu

1) exempt des charges et impôts. Ici, signifie : non pas sans dommage
(2) rusé
(3) "se dit d'un chien à qui on coupe la queue..." (Furetière)

Fable de Jean de La Fontaine. LE RENARD ET LA CIGOGNE

 



Fable de Jean de La Fontaine.
                                LE RENARD ET LA CIGOGNE (*)


Compère (1) le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne (2).
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts :
            Le Galand, pour toute besogne (3)
Avait un brouet (4) clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette.
La Cigogne au long bec (5) n'en put attraper miette ;
Et le Drôle eut lapé le tout en un moment.
        Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là, la Cigogne le prie.
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
            Je ne fais point cérémonie."
        À l'heure dite, il courut au logis
            De la Cigogne son hôtesse ;
            Loua très fort sa politesse,
            Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande (6).
            On servit, pour l'embarrasser
En un vase à long col, et d'étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
        Serrant la queue, et portant bas l'oreille.
            Trompeurs, c'est pour vous que j'écris,
            Attendez-vous à la pareille.


1) compère et commère : le parrain et la marraine, puis :
les amis
 (2) le titre des éditions anciennes s'écrit "Le Renard et le Cicogne" (du latin cicogna), La Fontaine écrivait : "cicogne".
(3) au XVIème, le mot est employé au sens très vague de chose
(4) "bouillon qu'on portait autrefois aux nouvelles mariées
le lendemain de leurs noces..., se dit aussi d'un méchant potage" (Furetière)
(5) nous verrons un peu plus tard "Le héron au long bec emmanché d'un long cou"




lundi 25 avril 2022

Fable Jean de la Fontaine LE RENARD ET LE BOUC

 



Fable  Jean de la Fontaine


LE RENARD ET LE BOUC

Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami Bouc des plus haut encornés (1) .
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ;
L’autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
                Là chacun d’eux se désaltère.
Après qu’abondamment tous deux en eurent pris,
Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous, Compère !
Ce n’est pas tout de boire ; il faut sortir d’ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi :
Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
                Je grimperai premièrement (2) ;
                Puis sur tes cornes m’élevant,
                A l’aide de cette machine (3),
                De ce lieu-ci je sortirai,
                Après quoi je t’en tirerai.
Par ma barbe, dit l’autre, il est bon ; et je loue
                Les gens bien sensés comme toi.
                Je n’aurais jamais, quant à moi,
                Trouvé ce secret, je l’avoue.
Le Renard sort du puits, laisse son Compagnon,
................Et vous lui fait un beau sermon
                Pour l’exhorter à patience.
Si le Ciel t’eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
                Tu n’aurais pas à la légère
Descendu dans ce puits. Or adieu, j’en suis hors ; 
Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts ;
                Car, pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin.

(1) muni de cornes ; vocabulaire burlesque
(2) d'abord
(3) l'échelle improvisée, qui va les faire se mouvoir est considérée comme une machine
 

dimanche 24 avril 2022

Fable Jean de La Fontaine. LE RENARD ET LE BUSTE

   



Fable Jean de La Fontaine.
 LE RENARD ET LE BUSTE


Les Grands, pour la plupart, sont masques de théâtre;
Leur apparence impose (1) au vulgaire idolâtre.
L'Âne n'en sait juger que par ce qu'il en voit :
Le Renard, au contraire, à fond les examine,
Les tourne de tout sens ; et, quand il s'aperçoit
            Que leur fait (2) n'est que bonne mine,
Il leur applique un mot qu'un Buste de héros
            Lui fit dire fort à propos.
C'était un Buste creux, et plus grand que nature.
Le Renard, en louant l'effort de la sculpture:
«Belle tête, dit-il, mais de cervelle point.»

Combien de grands Seigneurs sont Bustes en ce point!

(1) en impose
(2) conduite, allure

Sélection du message

Dictons et Proverbes du Jour. 21 Mars

  Dictons et Proverbes du Jour.      21 Mars  À la Sainte-Clémence, les moutons broutent l’herbe. Chaque jour un (des) nouveau(x) dicton(s) ...