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lundi 13 juin 2022

Fable de Jean de La Fontaine. PHILOMÈLE ET PROGNÉ

 Fable de Jean de La Fontaine.




PHILOMÈLE ET PROGNÉ


            Autrefois Progné l'Hirondelle
            De sa demeure s'écarta,
            Et loin des villes s'emporta (1)
Dans un bois où chantait la pauvre Philomèle.
Ma soeur, lui dit Progné, comment vous portez-vous ?
Voici tantôt mille ans que l'on ne vous a vue :
Je ne me souviens point que vous soyez venue
Depuis le temps de Thrace (2) habiter parmi nous.
            Dites-moi, que pensez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ?
Ah! reprit Philomèle, en est-il de plus doux ?
Progné lui repartit : Eh quoi cette musique
            Pour ne chanter qu'aux animaux ?
            Tout au plus à quelque rustique (3)?
Le désert est-il fait pour des talents si beaux ?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles.
            Aussi bien, en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois
            Parmi des demeures pareilles
Exerça sa fureur sur vos divins appas.
Et c'est le souvenir d'un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa Sœur, que je ne vous suis pas :
            En voyant les hommes, hélas !
            Il m'en souvient bien davantage.

(1) alla
(2) Térée était roi de Thrace
(3) paysan





dimanche 12 juin 2022

Fable Jean de La Fontaine. Le Philosophe Scythe

 Fable Jean de La Fontaine.
Le Philosophe Scythe




Un philosophe austère, et né dans la Scythie (1),
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
Un Sage assez semblable au vieillard de Virgile (2),
Homme égalant les Rois, homme approchant des Dieux,
Et comme ces derniers, satisfait et tranquille.
Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin.
Le Scythe l'y trouva, qui la serpe à la main,
De ses arbres à fruit retranchait l'inutile,
Ebranchait, émondait (3), ôtait ceci, cela,
               Corrigeant partout la nature,
Excessive à payer ses soins avec usure (4).
               Le Scythe alors lui demanda
Pourquoi cette ruine ? Etait-il d'homme sage
De mutiler ainsi ces pauvres habitants ?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage.
               Laissez agir la faux du temps :
Ils iront assez tôt border le noir rivage (5).
J'ôte le superflu, dit l'autre, et l'abattant,
               Le reste en profite d'autant.
Le Scythe, retourné dans sa triste demeure,
Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure,
Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
               Un universel abattis (6).
Il ôte de chez lui les branches les plus belles,
Il tronque son verger contre toute raison,
               Sans observer temps ni saison,
               Lunes ni vieilles ni nouvelles.
Tout languit et tout meurt. Ce Scythe exprime bien
               Un indiscret (7) stoïcien ;
               Celui-ci retranche de l'âme
Désirs et passions, le bon et le mauvais,
               Jusqu'aux plus innocents souhaits.
Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
Ils ôtent à nos coeurs le principal ressort :
Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.


(1) Nord de l'Europe et de l'Asie. Il s'agit d'Anacharsis,
"philosophe austère", et voyageur, comme le personnage de L.F.
(2) allusion au vieillard du Galèse qui cultivait un modeste
et charmant jardin (Virgile, Géorgiques, IV, v.125-133)
(3) taillait, nettoyait les arbres, coupait les branches mortes
(4) payer avec usure signifie rendre un service plus grand
que celui qu'on a reçu.
(5) les Enfers
(6) ce qui a été abattu
(7) dépourvu de discernement

samedi 11 juin 2022

Fable de Jean de La Fontaine Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte

  Fable de Jean de La Fontaine
Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte




               Tircis, qui pour la seule Annette
               Faisait résonner les accords
               D'une voix et d'une musette (1)
               Capables de toucher les morts,
               Chantait un jour le long des bords
               D'une onde arrosant des prairies,
Dont Zéphire habitait les campagnes fleuries.
Annette cependant à la ligne pêchait ;
               Mais nul poisson ne s'approchait.
               La Bergère perdait ses peines.
               Le Berger qui par ses chansons,
               Eût attiré des inhumaines,
        Crut, et crut mal, attirer des poissons.
Il leur chanta ceci : Citoyens (2)de cette onde,
Laissez votre Naïade en sa grotte profonde .
Venez voir un objet mille fois plus charmant.
Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle :
               Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle :
               Vous serez traités doucement,
               On n'en veut point à votre vie :
Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal.
Et, quand à quelques-uns l'appât serait fatal,
Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie.
Ce discours éloquent ne fit pas grand effet :
L'auditoire était sourd aussi bien que muet.
Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées
               S'en étant aux vents envolées,
Il tendit un long rets (2). Voilà les poissons pris,
Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère.
Ô vous Pasteurs d'humains et non pas de brebis,
Rois qui croyez gagner par raisons les esprits
               D'une multitude étrangère,
Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout ;
               Il y faut une autre manière :
Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.


(1) instrument de musique
(2) habitants
(3) filets

mercredi 25 mai 2022

Fable de Jean de La Fontaine. Les Poissons et le Cormoran

 Fable de Jean de La Fontaine.



Les Poissons et le Cormoran

Il n'était point d'étang dans tout le voisinage
Qu'un Cormoran (1)n'eût mis à contribution.
Viviers et réservoirs lui payaient pension (2).
Sa cuisine allait bien : mais, lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal.
Tout Cormoran se sert de pourvoyeur (3) lui-même.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
N'ayant ni filets ni réseaux (4),
Souffrait (5) une disette extrême.
Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème,
Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un Etang
Cormoran vit une Écrevisse.
Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important
A ce peuple. Il faut (6) qu'il périsse :
Le maître de ce lieu dans huit jours pêchera.
L'Écrevisse en hâte s'en va
Conter le cas : grande est l'émute (7).
On court, on s'assemble, on députe
A l'Oiseau : Seigneur Cormoran,
D'où vous vient cet avis ? Quel est votre garant ?
Êtes-vous sûr de cette affaire ?
N'y savez-vous remède ? Et qu'est-il bon de faire ?
Changer de lieu, dit-il. Comment le ferons-nous ?
N'en soyez point en soin (8): je vous porterai tous,
L'un après l'autre, en ma retraite.
Nul que (9) Dieu seul et moi n'en connaît les chemins :
Il n'est demeure plus secrète.
Un Vivier que nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L'un après l'autre (10) fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là Cormoran le bon apôtre,
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit,
Vous les prenait sans peine, un jour l'un, un jour l'autre.
Il leur apprit à leurs dépens
Que l'on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui sont mangeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisque l'humaine engeance
En aurait aussi bien croqué sa bonne part ;
Qu'importe qui vous mange ? homme ou loup ; toute panse
Me paraît une (11) à cet égard ;
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n'est pas grande différence.
1) le cormoran plonge pour se nourrir de poissons
(2) tribut
(3) celui qui pourvoit sa maison de vivres
(4) filets pour les poissons, réseaux pour les oiseaux
(5) endurait
(6) il est inévitable
(7) l'émeute
(8) inquiétude
(9) nul..sinon Dieu
(10) les poissons, l'un après l'autre
(11) équivalente

samedi 21 mai 2022

Fable de Jean de La Fontaine LA POULE AUX ŒUFS D'OR

Fable de Jean de La Fontaine



LA POULE AUX ŒUFS D'OR

   L'Avarice (1) perd tout en voulant tout gagner.
            Je ne veux  pour le témoigner (2)
  Que celui (3) dont la Poule, à ce que dit la fable, (4)
            Pondait tous les jours un œuf d'or.
  Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
  Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
  A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
  S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
            Belle leçon pour les gens chiches : (5)
  Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
  Qui du soir au matin sont pauvres devenus
            Pour vouloir trop tôt être riches ? (6)

1) avidité, cupidité (Larousse, dictionnaire du français classique : le XVIIe siècle)
(2) prouver
(3) que l'exemple de...
(4) v. sources
(5) cupides
(6) allusion aux "chambres de justice" de Colbert, qui avaient amené des financiers enrichis malhonnêtement à rembourser leurs gains.

vendredi 20 mai 2022

Fable de Jean de LA FONTAINE LE POUVOIR DES FABLES

Fable de Jean de LA FONTAINE



 LE POUVOIR DES FABLES

A M. De Barillon (a)

               La qualité d'Ambassadeur
Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ?
S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités par vous de téméraires ?
               Vous avez bien d'autres affaires
               A démêler que les débats
               Du Lapin et de la Belette :
               Lisez-les, ne les lisez pas ;
               Mais empêchez qu'on ne nous mette
               Toute l'Europe sur les bras.
               Que de mille endroits de la terre
               Il nous vienne des ennemis,
               J'y consens ; mais que l'Angleterre
Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis,
               J'ai peine à digérer la chose.
N'est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las
De combattre cette Hydre (1) ? et faut-il qu'elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras ?
               Si votre esprit plein de souplesse,
               Par éloquence, et par adresse,
               Peut adoucir les coeurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent moutons ; c'est beaucoup
               Pour un habitant du Parnasse.
               Cependant faites-moi la grâce
               De prendre en don ce peu d'encens.
               Prenez en gré (2) mes vœux ardents,
Et le récit en vers qu'ici je vous dédie.
Son sujet vous convient ; je n'en dirai pas plus :
               Sur les éloges que l'envie
               Doit avouer qui (3)vous sont dus,
               Vous ne voulez pas qu'on appuie.

Dans Athène (4) autrefois peuple vain et léger,
Un Orateur voyant sa patrie en danger,
Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut
               A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes.
Il fit parler les morts (5), tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.
               L'animal aux têtes frivoles
Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Cérès , commença-t-il, faisait voyage un jour
               Avec l'Anguille et l'Hirondelle :
Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant,
               Comme l'Hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ?
               Ce qu'elle fit ? un prompt courroux
               L'anima d'abord contre vous.
Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !
               Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet !
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
               A ce reproche l'assemblée,
               Par l'apologue réveillée,
               Se donne entière à l'Orateur :
               Un trait de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
               Si Peau d'âne (6) m'était conté,
               J'y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.

Fable de Jean de La Fontaine. LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CH

 Fable de Jean de La Fontaine.




                        LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS

Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis :
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête,
Pendant qu'ils étaient en train.

A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit ;
Le Rat de ville détale, 
Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le Citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.

C'est assez, dit le Rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;

Mais rien ne vient m'interrompre ;
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre !



mardi 17 mai 2022

Fable de Jean la Fontaine. LE RAT ET L'ELEPHANT

 Fable de Jean la Fontaine.



LE RAT ET L'ELEPHANT

Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l’homme d’importance,
Et l’on n’est souvent qu’un bourgeois (1) :
C’est proprement le mal françois .
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d’une autre manière.
Leur orgueil me semble en un mot
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,
Qui sans doute (2) en vaut bien un autre.
Un Rat des plus petits voyait un Eléphant
Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent
De la bête de haut parage (3),
Qui marchait à gros équipage (4).
Sur l’animal à triple étage
Une Sultane de renom,
Son Chien, son Chat, et sa Guenon,
Son Perroquet, sa vieille (5), et toute sa maison,
S’en allait en pèlerinage.
Le Rat s’étonnait que les gens
Fussent touchés (6) de voir cette pesante masse :
Comme si d’occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins importants.
Mais qu’admirez-vous tant en lui vous autres hommes?
Serait-ce ce grand corps, qui fait peur aux enfants ?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D’un grain (7) moins que les Eléphants.
Il en aurait dit davantage ;
Mais le Chat sortant de sa cage
Lui fit voir en moins d’un instant
Qu’un Rat n’est pas un Eléphant.

(1) qui n'appartient ni à la noblesse, ni au clergé
(2) sans aucun doute
(3) de très noble parenté et souche
(4) provision de tout ce qui est nécessaire pour voyager
(5) sa duègne
(6) en admiration
(7) le plus petit des poids dont on se sert pour peser les choses précieuses (dict. de Furetière)


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Dictons et Proverbes du Jour. 21 Mars

  Dictons et Proverbes du Jour.      21 Mars  À la Sainte-Clémence, les moutons broutent l’herbe. Chaque jour un (des) nouveau(x) dicton(s) ...